Comprendre les dernières modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes
Écrit par Jessica Horwitz, Alison FitzGerald, Nathan Shaheen et Quinn Scarlett
Le 20 juin 2024, Bill C-59, la Loi de mise en œuvre de l’Énoncé économique de l’automne, a reçu la sanction royale. La section 8 de ce projet de loi a introduit diverses modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LS 2000, c 17 (la Loi) et au Code criminel (les modifications) afin d’appuyer les efforts continus du gouvernement canadien pour lutter contre la criminalité financière et prévenir l’évasion des sanctions.
Le 19 août 2024, certains articles notables des modifications sont entrés en vigueur qui élargissent les exigences de déclaration des opérations douteuses en vertu de la Loi pour couvrir les opérations soupçonnées d’être liées à l’évasion des sanctions. Les modifications introduisent également de nouvelles exigences de déclaration pour les importateurs et les exportateurs concernant le statut de sanctions des biens qu’ils échangent, qui seront mises en œuvre en temps voulu sous réserve de l’élaboration de procédures administratives correspondantes. Les modifications réglementaires connexes proposées, qui ne sont pas encore en vigueur, élargiront davantage les obligations de déclaration des biens sanctionnées pour les entités déclarantes en vertu de la Loi.
Ces changements élargissent les obligations de diligence raisonnable de certaines entités et la portée des renseignements mis à la disposition des organismes d’application de la loi et reflètent une tendance mondiale croissante à utiliser des sanctions internationales pour pénaliser des gouvernements, des personnes et des entités étrangers qui se livrent à des activités qui violent le droit international ou les valeurs juridiques canadiennes afin d’encourager le changement de comportement. L’utilisation par le Canada des sanctions économiques comme outil de politique étrangère privilégié s’est accélérée depuis que la Russie a envahi l’Ukraine en 2022 ; à l’heure actuelle, plus de 4 000 entités et particuliers figurent sur les listes de sanctions du Canada, et de nombreuses autres restrictions à l’importation, à l’exportation, à l’investissement et au transport touchent certains pays, régions géographiques et industries. Les modifications représentent également un effort notable de la part du gouvernement du Canada pour améliorer son bilan en matière d’application des sanctions, qui a été critiqué dans un rapport publié l’an dernier par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Principales modifications
1. Exigence de déclaration pour les infractions d’évasion des sanctions
La Loi est la principale loi canadienne d’application de la loi contre le blanchiment d’argent. Il impose des obligations spécifiques de conformité, de diligence raisonnable et de déclaration à certaines catégories d’entreprises , telles que les institutions financières, les courtiers en valeurs mobilières, les entreprises de services monétaires, les courtiers immobiliers, les casinos et les courtiers en pierres précieuses et en métaux précieux (voir une liste complète
Les entités déclarantes en vertu de la Loi sont déjà tenues de surveiller et de déclarer au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) toute opération soupçonnée d’impliquer des activités de recyclage des produits de la criminalité (c.-à-d. le blanchiment d’argent) ou le financement des activités terroristes.
Les modifications exigent que les entités déclarantes communiquent maintenant également à CANAFE des opérations, ou des tentatives d’opérations, associées à la perpétration d’une infraction d’évasion des sanctions. La loi modifiée définit une infraction d’évasion des sanctions comme suit :
[. . .] une infraction découlant de la contravention d’une restriction ou d’une interdiction établie par un décret ou un règlement pris en vertu de la Loi sur les Nations Unies, de la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMSE) ou de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi Sergueï Magnitski) (JVCFOA).
Les entités déclarantes doivent présenter une déclaration d’opérations douteuses (DOD) « dès que possible » une fois qu’elles ont pris des mesures qui établissent des motifs raisonnables de soupçonner que l’opération est liée à la perpétration de produits de la criminalité, au financement d’activités terroristes ou à une infraction d’évasion des sanctions. (Voir le site web fintrac pour plus d’informations sur les autres changements à venir apportés à ses systèmes de déclaration).
Conformément à la Special Bulletin on Financial Activity Associated with Suspected Sanctions Evasion, lorsqu’elles soumettent une DOD pour une infraction présumée d’évasion des sanctions, les entités déclarantes doivent inclure tous les renseignements disponibles sur la propriété, le contrôle et la structure des entités impliquées dans les opérations financières pertinentes, telles que les propriétaires, les administrateurs, les dirigeants et les personnes ayant le pouvoir de signature de chaque entité, ainsi que toute information sur des personnes liées ou d’autres entités impliquées, dans la mesure du possible. Le rapport devrait également comprendre tous les renseignements d’identification et les descriptions disponibles de toute personne morale ou arrangement impliqué ou associé à la ou aux opérations financières contestées.
Dans son sa de conformité sur la déclaration de l’évasion présumée des sanctions, CANAFE note que si une opération est soupçonnée d’être liée à la fois à une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes et à une infraction d’évasion des sanctions, une seule DOD contenant tous les renseignements requis doit être soumise.
2. Exigences accrues en matière de déclaration des importateurs et des exportateurs
Les modifications introduisent également des obligations de déclaration plus importantes pour les personnes et les entités engagées dans l’importation ou l’exportation de marchandises en vertu de la Loi sur les douanes (pas seulement les entités déclarantes de lutte contre le blanchiment d’argent). Une fois mises en œuvre, ces modifications élargiront la portée des activités qui doivent être déclarées en vertu de la Loi et la portée des entités déclarantes, comme l’obligation pour les voyageurs qui traversent la frontière de déclarer des instruments monétaires d’une valeur de 10 000 $ CA ou plus.
Plus précisément, les personnes qui se livrent à des activités d’importation ou d’exportation seront tenues de déclarer, à un agent des douanes, si les marchandises « réellement » importées ou exportées sont des produits de la criminalité ou sont liées au blanchiment d’argent, au financement des activités terroristes ou à l’évasion des sanctions. De plus, les modifications exigeront que les importateurs ou les exportateurs fassent cette déclaration relativement à « toute transaction financière visant à payer des marchandises importées ou exportées ». La forme exacte et le moment de la déclaration ne sont pas encore connus.
Les modifications imposent l’obligation de fournir des renseignements exacts, véridiques et complets dans toutes les déclarations et communications avec les agents des douanes et de l’application de la loi. Les personnes qui se livrent à des activités d’importation ou d’exportation seront également tenues de tenir des registres complets de ces transactions pendant une période prescrite par règlement et devront produire ces registres à la demande d’un agent. La disposition fait référence aux obligations existantes en matière de tenue de documents en vertu de la Loi sur les douanes « avec les modifications que les circonstances exigent », de sorte qu’il n’est pas encore clair si la portée des exigences en matière de tenue de documents à mettre en œuvre relativement à ces modifications sera plus large que les registres que les importateurs et les exportateurs doivent déjà conserver en vertu des lois sur les douanes et le contrôle du commerce applicables.
Les entreprises qui font le commerce de marchandises doivent également noter que si un agent a des motifs raisonnables de croire que les marchandises échangées sont des produits de la criminalité ou sont liées au blanchiment d’argent, aux activités terroristes ou à l’évasion des sanctions, l’agent peut saisir et confisquer ces marchandises.
Les modifications autoriseront également le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à créer un régime de sanctions administratives pécuniaires (SAP) pour promouvoir la conformité aux exigences de déclaration des marchandises importées et exportées. Il s’agit d’une évolution notable, car il s’agit d’un nouveau mécanisme par lequel le Canada peut pénaliser financièrement les personnes qui s’engagent dans des transactions impliquant des biens sanctionnés sur une base civile sans avoir à respecter les normes criminelles de preuve lors de poursuites.
L’entrée en vigueur de cette section des modifications a été reportée afin de permettre à l’ASFC de mettre en œuvre les formulaires et les procédures correspondants pour les déclarations et de concevoir le programme de SAP.
3. Portée accrue des directives ministérielles
Les modifications permettent au gouvernement de tenir compte du risque d’évasion des sanctions lorsqu’il émet des directives ministérielles ou impose des restrictions ou des interdictions sur les transactions. L’article 11.42 de la Loi autorise déjà le ministre des Finances à émettre des « directives ministérielles » qui exigent que les entités déclarantes en vertu de la LRPCFAT fassent preuve d’une diligence raisonnable supplémentaire précise à l’égard des opérations financières qui impliquent un État étranger, une entité étrangère ou des fiducies particulières considérées comme à risque élevé. Par exemple, en février 2024, une directive ministérielle a été publiée qui exige que les entités déclarantes effectuent une diligence raisonnable accrue sur tous les
En vertu des modifications apportées au projet de loi C-59, le ministre des Finances est maintenant autorisé à émettre des directives écrites et à restreindre les opérations impliquant un État ou une entité étranger s’il est d’avis que de telles opérations risquent de faciliter l’évasion des sanctions.
4. Réduction du fardeau des procureurs de la Couronne dans les affaires de crimes financiers
Les modifications modifient également l’article 462.31 du Code criminel afin de réduire le fardeau de preuve des procureurs dans les affaires impliquant la poursuite de crimes financiers en éliminant l’obligation de prouver la mens rea (c.-à-d. la connaissance ou l’intention de commettre le crime) dans les circonstances dans lesquelles l’accusé est accusé d’une infraction de blanchiment d’argent, mais pas de l’infraction sous-jacente. Les modifications prévoient qu’un tribunal peut maintenant déduire la mens rea des circonstances d’une opération, en particulier si la façon dont l’accusé a traité le bien ou son produit est « nettement inhabituelle » ou « incompatible avec des activités licites typiques du secteur » dans lequel elles ont lieu. La norme habituelle de la mens rea continue de s’appliquer à la poursuite de l’infraction sous-jacente.
Dans le contexte de l’évasion des sanctions, cela signifie qu’il sera désormais plus facile, par exemple, de poursuivre des personnes pour avoir envoyé, transféré la possession, transporté, transmis, modifié, aliéné ou autrement traité des biens ou des produits dérivés d’une violation de la LMES ou de la JVCFOA.
Exigences élargies en matière de déclaration des biens immobiliers en vertu du projet de règlement
Pour compléter les modifications qui sont entrées en vigueur le 19 août 2024, plusieurs modifications ont été proposées aux règlements en vertu de l’ALÉPC (le projet de règlement). La proposition est demeurée ouverte à la consultation jusqu’au 5 août 2024, et le projet de règlement est en attente d’une date d’entrée en vigueur par décret du gouverneur en conseil. Une fois en vigueur, le projet de règlement élargira les exigences en matière de déclaration des biens sanctionnés par les entités déclarantes en vertu de la Loi.
Le paragraphe 83.1(1) du Code criminel exige que toute personne au Canada et tout Canadien à l’étranger divulgue au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada ou au directeur du Service canadien du renseignement de sécurité les biens qu’ils ont « en leur possession ou sous leur contrôle et qu’ils savent être détenus ou contrôlés par un groupe terroriste ou en son nom ». Des obligations de déclaration similaires existent également en vertu des règlements du Canada sur les sanctions terrorism-related sanctions. L’actuel Règlement sur la déclaration des opérations douteuses visant le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes va un peu plus loin pour les entités déclarantes en vertu de la Loi, en exigeant qu’elles soumettent des déclarations de biens terroristes (RSP) correspondantes à CANAFE à l’égard de ces biens en même temps qu’elles déposent leur déclaration à la GRC ou au SCRS.
Le projet de règlement élargira ces exigences pour les entités déclarantes en élargissant la définition de « personne ou entité inscrite » afin de saisir les personnes désignées en vertu de la législation canadienne sur les sanctions. Les définitions proposées tiendront compte des critères suivants :
- les personnes ou entités visées par une ordonnance rendue en vertu de la LMES ;
- un « État étranger » visé par une ordonnance en vertu de la LSA ou de la Loi sur les Nations Unies ; et
- une personne qui fait l’objet d’une ordonnance rendue en vertu de la JVCFOA.
De plus amples renseignements sur les personnes et les entités actuellement sanctionnées se trouvent sur le Consolidated Canadian Autonomous Sanctions List and the Liste récapitulative du Conseil de sécurité des Nations Unies (qui sont mises en œuvre dans la législation canadienne en vertu de la Loi sur les Nations Unies du Canada). Des détails sur les programmes de sanctions actuels du Canada se trouvent sur la page « Sanctions actuelles » du gouvernement du Canada webpage.
Impact sur les entreprises
Les modifications et le projet de règlement représentent un effort important de la part du gouvernement du Canada pour renforcer les régimes de sanctions existants du Canada et améliorer l’application de la loi. Les entreprises doivent savoir que ces nouvelles exigences exigeront davantage leurs politiques et procédures de conformité et augmenteront le niveau de risque et d’exposition auxquels elles sont assujetties.
Les entités qui participent à l’importation ou à l’exportation de marchandises, même si elles ne sont pas classées comme des « entités déclarantes » en vertu de la LRPCFAT, pourraient tout de même être touchées par la portée étendue, et à l’heure actuelle quelque peu opaque, des modifications en instance. Les entreprises et les entités touchées devraient faire preuve d’une diligence accrue dans leurs opérations pour s’assurer que toutes les transactions d’exportation et d’importation sont conformes à la Loi en plus des autres lois applicables en matière de douanes et de contrôle du commerce.
Le défaut de se conformer à la LRPCFAT peut entraîner des sanctions civiles ou des accusations criminelles. Les pénalités administratives, généralement imposées par l’entremise des SAP par CANAFE, peuvent varier de 1 $ à 500 000 $. Les sanctions pénales peuvent aller d’amendes de 250 000 $ à 2 000 000 $ et/ou d’un emprisonnement de deux ans moins un jour à cinq ans.
À la lumière de ces modifications, les entreprises devraient revoir et mettre à jour leurs politiques de lutte contre le blanchiment d’argent afin d’intégrer les nouvelles exigences de déclaration pour les infractions d’évasion des sanctions. Pour plus d’informations sur la façon dont ces modifications affectent votre entreprise ou pour obtenir de l’aide pour revoir vos politiques de conformité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent existantes, veuillez contacter les auteurs ou tout membre du groupe Bennett Jones International Trade and Investment group ou le groupe Groupe anti-blanchiment d’argent.
Traduction alimentée par l’IA.
Veuillez noter que cette publication présente un aperçu des tendances juridiques notables et des mises à jour connexes. Elle est fournie à titre informatif seulement et ne saurait remplacer un conseil juridique personnalisé. Si vous avez besoin de conseils adaptés à votre propre situation, veuillez communiquer avec l’un des auteurs pour savoir comment nous pouvons vous aider à gérer vos besoins juridiques.
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