La Cour suprême du Canada rend sa décision dans l’affaire Abrametz

11 juillet 2022

Écrit par Katherine Fisher and Natasha Laffin

Faits saillants

  • La CSC a conclu que, contrairement aux procédures criminelles, le retard à lui seul ne constituera pas un abus de procédure justifiant une suspension des procédures administratives.
  • À moins d’un arrêt des procédures, la CSC a souligné qu’une certaine forme de réparation, comme une réduction de la sanction ou une modification de l’attribution de frais, devrait être accordée dans les cas de retard excessif équivalant à un abus de procédure.
  • Dans une forte dissidence, la juge Suzanne Côté suggère que l’approche stricte de la CSC « invite à la complaisance dans les procédures administratives ».

Dans une décision partagée à huit contre un, la Cour suprême du Canada (CSC) a rendu son jugement attendu de longue date concernant le retard dans les procédures administratives dans Law Society of Saskatchewan c Abrametz [Abrametz], 2022 CSC 29. Dans sa décision, la CSC a conclu que, contrairement aux procédures criminelles, le retard à lui seul ne constituera pas un abus de procédure justifiant une suspension des procédures administratives.

Dans l’arrêt Abrametz, la CSC a été chargée d’examiner la loi telle qu’elle l’a déjà énoncée dans Blencoe v British Columbia (Human Rights Commission) [Blencoe],2000 CSC 44, et a apparemment été modifiée par la Cour d’appel de la Saskatchewan (SKCA) dans l’affaire Abrametz v Law Society of Saskatchewan [Abrametz CA], 2020 SKCA 81. Dans l’arrêt Blencoe, la CSC a demandé qu’une approche stricte soit appliquée dans les procédures administratives, statuant que le retard, sans plus, ne constituera pas un abus de procédure justifiant un arrêt des procédures. C’était l’état inébranlable du droit pendant plus de 20 ans, jusqu’à ce que la SKCA dans Abrametz CA propose ostensiblement d’abaisser la norme pour être plus conforme aux décisions de la CSC dans R c Jordan [Jordanie], 2016 CSC 27 et Hryniak v Mauldin, 2014 CSC 7, où la nécessité d’une justice en temps opportun dans les affaires criminelles et civiles a été priorisée.

En infirmant la décision de la SKCA, la majorité dans l’arrêt Abrametz a apparemment confirmé l’arrêt Blencoe, rejetant l’application de principes semblables à ceux de la Jordanie dans le contexte du droit administratif et confirmant la norme de contrôle applicable comme étant la décision correcte. En concluant que le délai d’environ 6 ans était « long, mais pas excessif », la CSC a souligné les facteurs d’examen contextuel, y compris la nature et l’objet de la procédure, la durée et les causes du retard, et la complexité des faits et des questions en litige dans l’affaire (au para 51). La Cour a également statué que, malgré l’introduction d’éléments de preuve de préjudice découlant de l’attention des médias, des conditions de pratique et des répercussions du retard sur la santé et la famille, M. Abrametz n’avait pas fourni de preuve suffisante du préjudice important justifiant une conclusion de retard équivalant à un abus de procédure (au para 124).

En confirmant l’approche stricte de Blencoe, les juges majoritaires dans l’arrêt Abrametz ont estimé qu’un sursis ne devrait être accordé que dans les cas les plus clairs, « lorsque l’abus se situe à l’extrémité supérieure du spectre de la gravité » (au par. 83). Toutefois, la Cour a indiqué qu’un préjudice moindre, mais néanmoins important, pourrait justifier des réparations autres qu’un sursis, notant que dans de tels cas, l’intérêt public peut être correctement servi par la poursuite de l’instance, tandis que le demandeur reçoit une certaine indemnisation pour les mauvais traitements subis (par. 89-90). Dans le contexte d’un tribunal disciplinaire, un arrêt des procédures, une réduction de la sanction ou la modification d’une adjudication de dépens sont des réparations possibles (aux para 94-99). La Cour a noté que divers tribunaux peuvent être habilités par leurs statuts habilitants à accorder d’autres recours, et a encouragé ces tribunaux à ne pas hésiter à utiliser des outils pour lutter contre les retards excessifs équivalant à un abus de procédure (au paragraphe 100).

Notamment, dans son opinion dissidente, la juge Suzanne Côté  a contesté la décision de la Cour, commentant : « le critère de la majorité est si onéreux qu’il invite à la complaisance dans les procédures administratives » (au par. 136). Elle n’était pas non plus d’accord avec l’expression de la norme de contrôle par la majorité dans le contexte d’un retard administratif démesuré, et le fait qu’ils accordent de la retenue à l’égard de la conclusion d’un décideur administratif sur la question de savoir si le retard est excessif et le choix de la réparation qui en résulte. La dissidence du juge Côté, bien qu’elle soit certainement plus favorable aux professionnels réglementés que la position de la majorité, donne un aperçu des zones probables de discorde entre les organismes de réglementation et les professions réglementées à l’avenir.

En prévision de la décision de la CSC, les professions autoréglementées, y compris divers collèges professionnels et leurs membres réglementés, attendaient d’autres directives, anticipant des changements; toutefois, il semble que la CSC ait choisi de maintenir le statu quo, plutôt que de reconnaître une évolution du droit dans le contexte des procédures administratives. Notamment, bien que la Cour ait confirmé l’approche stricte dans l’arrêt Blencoe et ait soutenu qu’un sursis ne devrait être accordé que dans les cas les plus graves, la Cour a clairement énoncé qu’une certaine forme de réparation, comme une réduction de la sanction ou une modification de l’attribution de frais, devrait être accordée dans les cas de retard excessif équivalant à un abus de procédure.

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Katherine J. Fisher, BScN, MN, JD
Natasha O.Q. Laffin, BComm, JD, MPH

Auteur(e)s

Katherine J. Fisher
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