Les kickers d’équité et le taux d’intérêt criminel : partie II

04 février 2019

Écrit par Denise D. Bright, Preet K. Gill, Elizabeth K. Dylke and Justin Duguay

Les prêteurs de capital-investissement et les prêteurs alternatifs prennent souvent un panier de droits lorsqu’ils investissent dans une entité. Le panier peut comprendre des capitaux propres, des options, des bons de souscription et/ou des dettes. Dans le cas du financement par emprunt, les prêteurs négocient souvent des édulcorants/ kickers d’actions sous la forme d’options ou de bons de souscription pour augmenter leur rendement possible, en plus de recevoir des intérêts sur un prêt. Les prêteurs doivent savoir que, dans de tels cas, il y a un risque que les gains à l’égard de ces capitaux propres reçus soient considérés comme des « intérêts » et déclenchent un taux d’intérêt criminel. Des affaires récentes ont considérablement réduit ce risque, mais les tribunaux ont pris soin de qualifier les décisions de faits, laissant la porte ouverte à ces édulcorants / kickers pour tomber sous les dispositions sur les taux d’intérêt criminels.

L’article 347 du Code criminel (Canada) définit un taux criminel comme un taux d’intérêt annuel effectif supérieur à 60 %. Par définition, les intérêts s’entendent de « l’ensemble des frais et dépenses, que ce soit sous la forme de frais, d’amendes, de pénalités, de commissions ou d’autres frais ou dépenses semblables ou sous quelque forme que ce soit, payés ou payables pour l’avance de crédit aux termes d’une convention ou d’un arrangement par la personne à qui le crédit est ou doit être avancé ou en son nom ». En termes simples, un taux d’intérêt criminel peut être déclenché de deux façons. Premièrement, en concluant un arrangement ou une entente pour recevoir des intérêts à un taux criminel. Deuxièmement, en recevant le paiement d’intérêts à un taux criminel. Ce dernier crée une approche attentiste. En d’autres termes, la préoccupation est que si les édulcorants de capitaux propres accordés par l’emprunteur dans une transaction de prêt sont considérés comme des « intérêts », la transaction pourrait aller à l’encontre du taux d’intérêt criminel de 60 pour cent à une date ultérieure, lorsque les édulcorants deviennent plus précieux. Les tribunaux canadiens se sont rarement penchés sur la question de savoir si des actions, des bons de souscription, des options ou d’autres capitaux propres émis par un emprunteur à l’appui d’un prêt peuvent constituer des « intérêts » au sens de l’article 347 du Code criminel (Canada).

En mai 2017, Bennett Jones a publié un blog sur la décision dans Bimman v Neiman, 2015 ONSC 2313 [Bimman] où la Cour supérieure de l’Ontario a examiné la question accessoire des édulcorants de capitaux propres accordés par une société à ses actionnaires. Dans ce cas, une société ne pouvait pas obtenir de financement de tiers, c’est pourquoi elle a émis des actions à ses actionnaires en réponse à deux appels de trésorerie. Le demandeur était un actionnaire qui n’avait pas participé aux appels de fonds et qui soutenait que l’émission d’actions par la société en réponse à des appels au comptant entérinait la disposition relative aux intérêts criminels de l’article 347. L’argument a été rejeté par le juge du procès et n’a pas été poursuivi en appel.

Le 26 octobre 2018, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rendu sa décision dans Cirius Messaging Inc. c Epstein Enterprises Inc, 2018 BCSC 1859 [Cirius]. En l’espèce, la Cour a conclu que le taux d’intérêt criminel ne s’étendait pas aux capitaux propres (sous forme d’actions ou de bons de souscription) accordés par les emprunteurs dans le cadre d’une opération de prêt sans lien de dépendance. Dans l’arrêt Cirius, le juge de première instance a reconnu que le jugement dans l’affaire Bimman était utile pour son application de l’article 347, bien qu’il ne soit pas exécutoire. Contrairement à Bimman, où les prêteurs étaient actionnaires de la société emprunteuse, dans l’affaire Cirius, les édulcorants d’actions ont été accordés dans le contexte d’une opération de prêt sans lien de dépendance où l’emprunteur a par la suite contesté la légalité de la transaction.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique : Émission d’actions et de bons de souscription à l’appui d’un prêt

Dans l’affaire Cirius, l’emprunteur était une société de technologie en démarrage qui a conclu un accord de prêt convertible avec le prêteur qui prévoyait que, sous certaines conditions, le montant du principal du prêt peut être converti en actions de l’emprunteur. L’emprunteur et le prêteur ont également conclu une entente de services auxiliaires (ASA) en vertu de laquelle des bons de souscription d’actions de 0,01 $ l’action ont été accordés au prêteur.

L’emprunteur a fait valoir que l’ASA était un trompe-l’œil et que les bons de souscription avaient été émis en raison des prêts consentis par le prêteur. De plus, l’emprunteur a fait valoir que si l’ASA était un trompe-l’œil, les bons de souscription et/ou les droits de conversion en vertu du prêt constituaient une « charge ou dépense » qui était « payée ou payable » par l’emprunteur ou en son nom, ce qui les a amenés à la définition d’intérêt à l’article 347 du Code criminel. Le juge de première instance a conclu que l’ASA ne représentait pas les véritables intentions des parties et qu’en tant que telle, il s’agissait d’un « trompe-l’œil ou d’une fiction » et constituait en fait une incitation au prêt. Toutefois, le juge de première instance a conclu que les actions et les bons de souscription convertis accordés en vertu de la convention de prêt ne constituaient pas des « intérêts » au vertu de l’article 347.

Pour en arriver à sa conclusion, le juge s’est concentré sur la définition d'« intérêt » à l’article 347, qui prévoit que le terme « intérêts » s’entend de tous les frais et dépenses payés ou payables, par un emprunteur ou en son nom, pour l’avance de crédit.

A. Frais et dépenses

Comme les termes « frais » et « dépenses » ne sont pas définis dans le Code criminel, le juge a examiné les définitions du dictionnaire et a conclu que les termes « frais et dépenses » impliquent une obligation de rembourser une dette. Le juge a également considéré que le terme « dette » signifiait « une obligation de payer une somme certaine ou une somme facilement réductible à une certitude » (c’est-à-dire un paiement fixe ou spécifique). Ce niveau de certitude et de précision requis dans le calcul en vertu de l’article 347 a été jugé incompatible avec l’évaluation des actions ou des bons de souscription, qui demeure intrinsèquement incertaine. Étant donné que les participations sous forme d’actions et de bons de souscription ne peuvent être calculées ou déterminées avec précision, le juge a déterminé qu’elles ne pouvaient pas constituer un « intérêt » dans le contexte criminel.

B. Par ou au nom de l’emprunteur

Il a également été constaté que les actions et les bons de souscription convertis n’étaient pas des dépenses payées ou payables par l’emprunteur ou en son nom, au motif que l’émission d’actions n’était pas une dépense de la société; par conséquent, elle n’a pas été payée par l’emprunteur. Il a plutôt été caractérisé comme ayant une incidence sur l’investissement en capital des actionnaires de la société. De plus, les actionnaires n’ont pas engagé de dépense pour le compte de la société parce qu’ils « ne sont pas personnellement responsables des obligations financières subséquentes d’une société ».

Implications pour les prêteurs corporatifs

Les décisions rendues dans les affaires Bimman et Cirius devraient rassurer les prêteurs sans lien de dépendance qui reçoivent des participations liées à l’avance de prêts. Les prêteurs doivent toutefois rester prudents. Bien que les arrêts Bimman et Cirius fournissent des précédents utiles, les deux décisions dépendent des faits. Le juge de première instance a fait remarquer que l’évaluation était difficile en raison du fait que le prêt avait été remboursé et que les mandats étaient toujours en suspens, ce qui n’est peut-être pas toujours le cas. En fait, le juge de première instance a expressément souligné que la porte était encore ouverte pour que l’equity soit considérée comme un « intérêt » dans d’autres circonstances: « il peut s’agir, par exemple, [...] que le paiement d’un nombre déterminé d’actions d’une société cotée en bourse, en échange d’un prêteur qui avance du crédit, constitue un « intérêt » en vertu de l’article 347.

Toutes les répercussions de l’article 347 restent à déterminer. Toutefois, une modification législative imminente au Code criminel, si elle est adoptée, changera le paysage. Le projet de loi S-237, qui en est actuellement à l’étude en troisième lecture au Sénat, prévoira une exemption au taux d’intérêt criminel pour les prêts à des fins commerciales ou commerciales de plus de 1 000 000 $. Bien que les prêts commerciaux et commerciaux de ce montant soient toujours pris en compte, si la modification est adoptée, cela rassurerait les prêteurs de prêts commerciaux et commerciaux de plus grande taille. De plus, le projet de loi prévoit également un taux d’intérêt criminel supplémentaire pour le crédit avancé dans d’autres cas. Le projet de loi a été lent (il a été présenté pour la première fois en 2017), de sorte qu’on ne sait pas quand, ou si, cet amendement sera adopté par le Sénat, date à laquelle il devra également être adopté par le Parlement.

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