Alors que l’année 2023 marque l’ouverture du bureau de Bennett Jones à Montréal, il vaut la peine de se pencher sur une évolution intéressante des procédures de recours collectifs au Québec.
Les recours collectifs parallèles déposés dans plusieurs juridictions provinciales sont une caractéristique commune dans les recours collectifs canadiens qui vont souvent à l’encontre de l’un des objectifs mêmes des recours collectifs : soutenir l’économie judiciaire.
Les tribunaux de partout au Canada aspirent à trouver des moyens plus efficaces de s’y retrouver dans les recours collectifs multijuridictionnels. La coordination et la communication à l’échelle nationale ont été encouragées afin de réduire la pression que les recours collectifs qui se chevauchent ou qui font double emploi ont sur des ressources judiciaires déjà limitées.
Par conséquent, nous avons constaté une augmentation de la création de consortiums nationaux d’avocats de la demanderesse qui organisent divers recours collectifs parallèles en litiges nationaux communs. La formation de consortiums nationaux peut améliorer l’efficacité par laquelle les recours collectifs multijuridictionnels sont résolus par la demande d’arrêt des procédures dans certaines juridictions provinciales tout en permettant à une catégorie nationale d’être représentée dans un seul recours collectif qui se déplace vers l’avant.
Bien que cet esprit de coopération et de coordination ait mené à un certain nombre d’économies accrues dans les litiges des recours collectifs, nous n’avons pas encore vu cela se traduire entièrement par le règlement de recours collectifs nationaux. Il y a eu une augmentation du nombre d’audiences d’approbation conjointe d’un règlement devant plusieurs cours provinciales, mais il demeure pratique courante que l’approbation d’un règlement national de recours collectif soit demandée à la fois par une cour provinciale de common law au Canada et par la Cour supérieure du Québec.
Cependant, la jurisprudence récente au Québec nous montre une voie vers une plus grande efficacité dans la façon dont les règlements nationaux de recours collectifs sont approuvés et mis en œuvre.
Dans l’affaire Bourgeois c. Electronics Arts Inc. [Bourgeois], la Cour supérieure du Québec a autorisé l’abandon d’un recours collectif proposé au Québec au motif qu’un recours collectif parallèle avait été réglé au nom d’un groupe national en Colombie-Britannique. Ce faisant, la Cour supérieure du Québec a démontré que les tribunaux du Québec sont prêts à faire preuve de déférence à l’égard de la décision d’une autre cour provinciale qui a une incidence positive sur les droits des résidents du Québec.
En accordant le désistement, la Cour supérieure du Québec s’est référée à la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire École communautaire Belz c. Bernard [École communautaire Belz] qui a souligné qu’un tel désistement peut être accordé dans les cas suivants : (1) le désistement ne nuit pas aux membres putatifs du groupe proposé et (2) il ne porte pas atteinte à l’intégrité du système de justice. Au-delà de cela, le tribunal ne doit pas décider si le désistement est opportun et n’a pas à évaluer le caractère suffisant des motifs qui le justifient. Comme la Cour l’a lui-même écrit dans l’affaire De l’École communautaire Belz; « le juge doit jouer son rôle à la lumière du principe selon lequel les parties, dans la mesure où elles respectent les principes, les objectifs et les règles de procédure et les délais établis, ont le contrôle de leur cause. »
En appliquant cette norme et en accordant le désistement, la Cour supérieure du Québec a statué dans l’arrêt Bourgeois que les modalités du règlement national proposé en Colombie-Britannique n’étaient pas préjudiciables aux résidents du Québec, car :
Permettre l’approbation de règlements de catégorie nationale dans une province de common law sans exiger l’approbation d’un règlement dans le cadre d’un recours collectif parallèle au Québec au moyen de l’option de désistement peut mener à un processus d’approbation des règlements plus rapide et plus rentable.
En 2023 et au-delà, il sera intéressant de voir l’impact de la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Bourgeois et de déterminer si l’accréditation et le règlement des recours collectifs deviennent un processus de compétence unique à condition que l’application régulière de la procédure du règlement soit approuvée par la Cour du Québec.