Dans l’affaire Alberta Union of Provincial Employees v Alberta Health Services, 2025 ABKB 465 (AUPE v AHS), la Cour du Banc du Roi de l’Alberta a confirmé la décision de l’Alberta Labour Relations Board (Board) de pénaliser l’Alberta Union of Provincial Employes (AUPE) en suspendant ses cotisations syndicales pendant un mois en raison du soutien de l’AUPE à une grève illégale pendant la pandémie de COVID-19.
En octobre 2020, au début de la pandémie de COVID-19, environ 2 200 travailleurs de la santé (environ 5% de l’unité de négociation de l’AUPE avec AHS) dans 70 établissements de santé de l’Alberta exploités par Alberta Health Services (AHS) ont participé à une grève illégale d’une demi-journée. Cette mesure a entraîné plus de 14 000 heures de travail perdues, des retards dans les soins aux patients, des centaines de chirurgies reportées et une pression immense sur les travailleurs de la santé restants.
En réponse, AHS a demandé à la Commission divers recours, y compris une ordonnance ordonnant que les versements dus au syndicat de l’AUPE soient suspendus en vertu de l’article 114 du Code des relations de travail.
L’article 114 prévoit qu’en cas de grève illégale touchant des relations de négociation à l’égard desquelles le public a un intérêt important, la Commission peut ordonner à l’employeur de suspendre la retenue et le versement des cotisations syndicales pour une période maximale de six mois.
Dans sa décision initiale (2023 ALRB 2), la Commission a conclu que l’AUPE avait encouragé et soutenu publiquement et en privé la grève illégale, et qu’il avait « continué à remuer la marmite » à un moment où le système de santé était déjà mis à rude épreuve. La Commission a imposé une suspension d’un mois des cotisations syndicales pour l’ensemble de l’unité de négociation, même si seulement environ 5% de l’unité de négociation avait participé à la grève illégale, estimant que la conduite du syndicat justifiait la dissuasion. La grève illégale « a mis en danger le bien-être des Albertains et a exercé une pression supplémentaire sur un système de soins de santé qui était déjà sous le choc des défis sans précédent causés par la pandémie ».
De plus, la Commission a rejeté la contestation constitutionnelle de l’article 114 de l’AUPE. Bien qu’une décision antérieure de la Commission ait déjà confirmé la constitutionnalité de la version antérieure de l’article 114, l’AUPE a soutenu que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) (c.-à-d. le droit à la liberté d’association) avait depuis évolué de telle sorte que l’alinéa 2d) « garantit le droit des employés de s’associer de manière significative dans la poursuite d’objectifs collectifs en milieu de travail ». Toutefois, ce droit ne garantit pas l’accès à un régime législatif ou à un modèle particulier de relations de travail. La Commission a conclu qu’une suspension des cotisations en vertu de l’article 114 ne constituait pas une « entrave importante » aux droits des travailleurs, car la suspension temporaire n’aurait pas d’incidence sur la capacité des membres du syndicat de se réunir pour poursuivre des objectifs communs.
La Commission a par la suite rejeté la demande de réexamen de l’AUPE (2023 CanLII 117152).
juge Teskey de la Cour du Banc du Roi de l’Alberta a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision initiale de la Commission présentée par l’AUPE.
Entre autres positions, l’AUPE a contesté la décision de la Commission en soutenant que la Commission avait commis une erreur en imposant une pénalité générale à l’ensemble de l’unité de négociation, même si seule une petite partie des membres de l’unité de négociation étaient impliqués dans la grève illégale. En effet, l’impact économique de la pénalité imposée à l’AUPE était, selon la Cour, entre 1,65 $ CA et 2,5 millions $ CA. La Cour a conclu que la Commission était raisonnable de rejeter cet argument. L’AUPE soutenant et encourageant la grève illégale et tenant compte des risques pour le système de santé occasionnés par la grève, il n’était pas déraisonnable pour l’ensemble du syndicat d’en assumer les conséquences. De plus, la Cour a refusé de remettre en question la durée de la suspension, étant donné qu’une telle décision devrait être accordée à la Commission un pouvoir discrétionnaire important.
Enfin, la Cour a conclu que l’analyse constitutionnelle de l’article 114 de la Commission était correcte. Bien que la suspension des cotisations puisse constituer un fardeau important pour un syndicat (et pourrait, dans l’abstrait, constituer une ingérence importante dans les droits garantis par l’alinéa 2d) de la Charte), la Cour a convenu qu’une telle suspension n’empêcherait pas les membres du syndicat de se réunir pour poursuivre des objectifs communs. L’article 114 est limité à la fois dans le temps et dans sa portée, de sorte qu’il n’enfreint pas la Charte. La Cour a souligné que l’article 114 vise uniquement à pénaliser les comportements illégaux, cette peine étant d’une durée limitée. La Cour a estimé que, pour conclure que l’article 114 créait une inférence substantielle avec les droits garantis par la Charte, la norme juridique devrait être considérablement abaissée de sorte que l’alinéa 2d) créerait une zone d’immunité pour la conduite illégale d’un syndicat. Étant donné que l’article 114 ne faisait que suspendre – et ne modifiait pas – l’exigence de perception des cotisations en vertu de la convention collective entre l’AUPE et l’AHS, l’article 114 était ancré dans les choix de politique constitutionnelle à la disposition de l’Assemblée législative de l’Alberta.
L’AUPE c. AHS est une victoire importante pour les employeurs du secteur public ayant une main-d’œuvre syndiquée, car elle affirme les conséquences matérielles de l’activité illégale de grève « sauvage ». Les syndicats qui s’occupent des services essentiels dans le secteur public en Alberta devraient tenir compte des leçons de cette affaire, reconnaissant que la lourde sanction financière subie par l’AUPE vise à envoyer un message, selon les termes de la Commission, que « ce genre de conduite ne sera pas toléré ».
De plus, l’analyse constitutionnelle adoptée par la Commission et la Cour est une approche raisonnée et modérée des droits garantis par l’alinéa 2d) garantis par la Charte, qui n’ont pas toujours été traités de la manière la plus uniforme ou la plus prévisible possible par les tribunaux canadiens. Cette décision respecte la capacité du législateur de sanctionner les comportements syndicaux illégaux par des mesures temporaires, sans constituer une ingérence substantielle dans les droits à la liberté syndicale garantis par la Charte. Comme l’a fait remarquer le juge Teskey, les syndicats ne jouissent pas de l'« immunité » contre les conséquences d’activités illégales.
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