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Mise à jour sur les efforts déployés par le Canada pour modifier le taux d’intérêt criminel

30 mai 2022

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Écrit par Denise D. Bright, Preet K. Gill, David E. Gruber and Okey Ejibe

Le 22 mars 2022, le projet de loi S-239, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel), a été lu en deuxième lecture au Sénat. Le projet de loi propose des modifications au paragraphe 347(2) du Code criminel qui réduiraient le taux d’intérêt criminel actuel.

Le cadre actuel des intérêts criminels — Article 347

Le paragraphe 347(1) du Code prévoit que quiconque conclut une entente ou un arrangement en vue de recevoir des intérêts à un taux criminel, ou qui reçoit un paiement ou un paiement partiel d’intérêts à un taux criminel, commet une infraction. Le taux d’intérêt criminel actuel est un taux annuel effectif qui dépasse 60 %.

Il est important de noter que les « intérêts », dans le contexte du Code, comprennent les frais, amendes, pénalités, commissions ou autres frais ou dépenses semblables payés dans le cadre de l’avance du crédit, quelle que soit la personne qui paie ou à qui ces frais et dépenses doivent être payés. Par conséquent, un taux d’intérêt pour l’application du Code dépasse souvent le taux précisé à la face d’un accord ou d’un arrangement particulier. 

L’article 347.1 du Code prévoit actuellement une exception à l’infraction de taux d’intérêt criminel pour les prêts sur salaire (tels que définis) si : a) le prêt est de 1 500 $ ou moins, pour une durée maximale de 62 jours ou moins; b) le prêteur est un prêteur sur salaire titulaire d’un permis provincial; et c) le gouvernement fédéral a désigné la province comme ayant des mesures législatives pour protéger les bénéficiaires de prêts sur salaire qui limitent le coût total d’emprunt.

Modifications proposées à l’article 347

Plusieurs tentatives infructueuses ont été faites pour modifier l’article 347 du Code. Plusieurs projets de loi ont été présentés au Sénat et à la Chambre des communes, souvent dans le but principal de réduire le taux d’intérêt pénal, mais les projets de loi n’ont jamais été adoptés au point de devenir des lois. Dans le but de réduire le seuil des 60 % actuels, différents taux, allant de 20 % à 45 %, ont été recommandés et pris en compte au fil des ans par les deux Chambres du Parlement. Depuis 2013, il y a eu trois projets de loi antérieurs du Sénat (S-233 (43e législature), S-237 (42e législature) et S-210 (41e législature)) qui ont échoué au Feuilleton. Le projet de loi C-274, le projet de loi précédent sur ce sujet, qui a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes le 11 mai 2021, visait, entre autres, à réduire le taux criminel à 30 % plus le taux du financement à un jour de la Banque du Canada le jour où l’accord est conclu ou renouvelé. Il visait également à abroger l’article 347.1 du Code, qui aurait eu pour effet d’assujettir les prêteurs sur salaire aux mêmes dispositions relatives aux intérêts criminels que les autres prêteurs. Toutefois, le projet de loi n’a jamais été lu en deuxième lecture.

Le projet de loi S-239, qui est actuellement à l’étude au Sénat, propose de réduire le taux criminel à 20 % plus le taux du financement à un jour de la Banque du Canada le jour où l’accord est conclu ou renouvelé. Le taux du financement à un jour de la Banque du Canada s’établit actuellement à un pour cent et les intérêts criminels, s’ils sont calculés à la date du présent article, se situeraient à un taux supérieur à 21 pour cent.

Impact sur les prêteurs

Les changements proposés dans le projet de loi S-239 auront une incidence sur un large éventail de prêteurs commerciaux et de consommateurs, dont les taux d’intérêt peuvent dépasser le taux criminel révisé, y compris les entités de prêt commercial, les émetteurs de cartes de crédit, les cartes en magasin et les programmes de mise en disponibilité. Les emprunteurs peuvent chercher à utiliser les dispositions relatives aux intérêts criminels comme bouclier pour tenter d’invalider les dispositions relatives aux intérêts lorsque les prêteurs tentent de faire respecter leurs droits à être payés. Contrairement aux changements proposés dans le projet de loi C-274 précédent, ce changement, tel qu’il est actuellement rédigé, n’aura aucune incidence sur les prêteurs sur salaire qui demeureraient exemptés en vertu de l’article 347.1 du Code.

À première vue, tout prêteur qui est reconnu coupable d’inculper ou de recevoir des intérêts supérieurs au taux criminel pourrait être coupable soit a) d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou b) d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’un emprisonnement maximal de deux ans moins un jour; ou aux deux. Cependant, en pratique, l’impact le plus probable est que les emprunteurs chercheront à utiliser la disposition comme un moyen d’annuler, ou de lire à relu, les dispositions d’intérêt dans leurs accords de prêt.

L’actuel projet de loi S-239 a été présenté au Sénat et, s’il est adopté par le Sénat, il devra être approuvé par la Chambre des communes avant d’être adopté. Le 16 décembre 2021, le premier ministre a envoyé une lettre de mandat au ministre des Finances pour lui faire part de ses attentes à l’égard du ministère des Finances à l’avenir. L’une des priorités énumérées était de « sévir contre les prêteurs prédateurs en abaissant le taux d’intérêt criminel ». Le temps nous dira si 2022 est l’année où le taux d’intérêt criminel est modifié. Nous continuerons de surveiller le projet de loi S-239 et tout autre changement proposé au taux d’intérêt criminel.

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