Le 16 décembre 2021, le premier ministre a publié les lettres de mandat très attendues décrivant les priorités de l’exécutif et fournissant une orientation aux ministres du Cabinet pour le prochain mandat. Bien qu’elles soient personnalisées pour chacun des 38 ministres du Cabinet, les lettres contiennent des priorités communes. Ces lettres abordaient de nombreuses questions, y compris la reprise économique et la création d’un Canada plus diversifié et inclusif. Deux priorités sont apparues qui sont probablement conformes à l’orientation stratégique des entreprises des secteurs des ressources naturelles et d’autres industries à forte intensité d’émissions : (i) accélérer les efforts de lutte contre les changements climatiques et (ii) faire progresser la réconciliation avec les Autochtones.
Alors que les ministres du Cabinet s’affairent à ces entreprises importantes, nous soulignons ci-dessous ce qu’il faut surveiller en 2022 dans ces deux domaines; dont certains seront discutés plus en détail dans une prochaine série d’idées de Bennett Jones.
L’an dernier, le Canada a annoncé sur la scène mondiale qu’il adaptait officiellement sa cible d’émissions de gaz à effet de serre à une réduction de 40 à 45 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Hier, la ministre de l’Environnement et du Changement climatique a publié le Plan de réduction des émissions de 2030 qui traite de la façon dont cet objectif ambitieux sera atteint.
En juin 2021, la nouvelle Loi canadienne sur la responsabilité en matière d’émissions nettes zéro a reçu la sanction royale, enchâssant dans la loi cette cible ajustée comme la première cible de réduction des émissions codifiée dans la loi. Cette année, nous nous attendons à ce que davantage d’objectifs en matière de changements climatiques soient codifiés dans une loi fédérale, y compris le droit à un environnement sain que le gouvernement fédéral a déposé le mois dernier dans le projet de loi S-5, Renforcer la protection de l’environnement pour un Canada en meilleure santé, au Sénat.
Nous nous attendons à ce que les émissions de méthane soient particulièrement ciblées. Les lettres témoignent du maintien de la position du Canada en tant que chef de file en matière de détection et d’élimination du méthane grâce à l’établissement d’un centre d’excellence mondial et à l’obligation pour l’industrie pétrolière et gazière, au moyen de règlements, de réduire ses émissions de méthane d’au moins 75 % par rapport aux niveaux de 2012 d’ici 2030.
Le premier ministre a également demandé à la ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’établir une Agence canadienne des ressources en eau et de mettre en œuvre un plan d’action renforcé pour l’eau douce.
Les lettres de mandat favorisent la collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. En ce qui concerne l’électricité, le premier ministre a écrit au sujet de l’établissement d’un Conseil pancanadien du réseau pour promouvoir les investissements dans l’infrastructure, les réseaux intelligents, l’intégration du réseau et l’innovation dans le secteur de l’électricité afin d’aider à atteindre un réseau d’électricité à émission nette zéro de 100 % d’ici 2035.
Nous pouvons nous attendre à ce que le Canada envisage des moyens de restreindre les importations en provenance de pays qui n’ont pas de prix du carbone ou de politiques visant à réduire les émissions de carbone. Le gouvernement fédéral continuera de mener des consultations sur l’élaboration d’un ajustement du carbone à la frontière (AAC) à l’égard de ces pays et en provenance de ces pays et peut-être d’appliquer un AAC aux importations à forte intensité d’émissions comme l’acier, le ciment et l’aluminium. Le ministère des Finances a déjà tenu une première série de consultations à ce sujet.
Les industries à forte intensité d’émissions feront l’objet d’une surveillance et d’une pression accrues. Les lettres faisaient référence à la mise en œuvre de nouvelles mesures liées au plafonnement et à la réduction des émissions du secteur pétrolier et gazier et à un objectif renouvelé d’éliminer les subventions d’ici 2023, qui comprennent l’élimination progressive du financement public du secteur des combustibles fossiles par l’entremise des sociétés d’État fédérales et l’élimination des actions accréditives pour les projets pétroliers, gaziers et charbonniers.
Les sociétés ouvertes peuvent s’attendre à voir la mise en œuvre d’une norme pour les informations financières liées au climat (CFD) basée sur le cadre du Groupe de travail sur les divulgations financières liées au climat. Les institutions sous réglementation fédérale, en particulier, verront une plus grande intégration des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) grâce à des CFD, à des plans à consommation nette zéro et à l’intégration des GES dans l’approvisionnement fédéral.
Enfin, le financement augmentera pour les projets et les initiatives en matière de technologies propres et d’énergie renouvelable. Le premier ministre a demandé aux ministres de stimuler l’investissement au moyen d’une vaste gamme de technologies, prêtes à être commercialisées et émergentes, y compris l’instauration d’un crédit d’impôt à l’investissement pour le capital investi dans des projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone. De plus, en réponse au rôle des minéraux dans la fabrication de technologies propres essentielles, le gouvernement fédéral prévoit doubler le crédit d’impôt pour exploration minière.
Le premier ministre Justin Trudeau demande aux ministres, par l’entremise des lettres de mandat, de « mettre en œuvre la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies [(DNUDPA)] et de travailler en partenariat avec les peuples autochtones pour faire progresser leurs droits ». En 2022, le gouvernement fédéral mettra l’accent sur la consultation sur le plan d’action requis pour mettre en œuvre la DNUDPA en vertu de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et accroître les connaissances interministérielles sur les répercussions de la Loi et de la DNUDPA sur leurs mandats. Les lettres parlent d’appuyer les processus dirigés par les Autochtones pour reconstruire et constituer des nations et faire progresser l’autodétermination, et de travailler en partenariat sur la mise en œuvre de l’esprit et de l’intention des traités, et des ententes sur les revendications et l’autonomie gouvernementale avec des mécanismes de surveillance appropriés pour tenir le gouvernement fédéral responsable.
En 2019, la ministre des Relations Couronne-Autochtones a été chargée, dans les lettres de mandat, de « collaborer avec le ministre des Finances et le ministre des Ressources naturelles pour élaborer un nouveau cadre national de partage des avantages pour les grands projets de ressources en territoire autochtone ». Dans les nouvelles lettres de mandat, on s’attend à ce que le ministre des Ressources naturelles continue de travailler sur ce cadre.
Enfin, le premier ministre a parlé de faire progresser les efforts de conservation dirigés par les Autochtones pour protéger les habitats naturels et les eaux du Canada, notamment en appuyant de nouveaux programmes de gardiens autochtones et en établissant de nouveaux réseaux de gardiens autochtones, et en aidant les communautés autochtones à renforcer leur capacité d’établir un plus grand nombre d’aires protégées et conservées autochtones. Les programmes existants dans l’Ouest canadien comprennent le Coastal Stewardship Network, les Gitanyow Lax’yip Guardians et le projet Mikisew Cree First Nation Guardian.
Le gouvernement poursuit son ambitieux programme sur le climat et la réconciliation avec les Autochtones tout en appuyant la reprise liée à la COVID-19. La mise en œuvre réussie des priorités du gouvernement repose en grande partie sur la collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que les collectivités et les nations autochtones. Les mesures spécifiques pour mettre en œuvre ce programme doivent faire partie d’un dialogue continu et significatif entre toutes les parties, y compris les secteurs public et privé. Une vision commune pour maintenir et améliorer la confiance et des incitatifs pour promouvoir l’investissement au Canada devraient être des facteurs clés de réussite. La collaboration sera essentielle pour assurer une utilisation efficace des ressources publiques et prévenir le dédoublement des efforts.
Depuis que les lettres de mandat ont été émises, la variante Omicron de COVID-19 a balayé le pays, les manifestations politiques nationales ont perturbé notre infrastructure économique et commerciale, et maintenant, plus important encore, la Russie a bouleversé la stabilité géopolitique, sociale et économique mondiale par son invasion de l’Ukraine. Bien que le gouvernement continuera de rechercher le climat et la réconciliation avec les Autochtones, ces efforts devraient également tenir compte des objectifs complémentaires de promotion de la sécurité énergétique pour le Canada et ses partenaires, y compris par l’expansion des sources d’énergie renouvelables et la sécurité nationale. Le prochain budget fédéral pourrait donner une indication de la façon dont le gouvernement propose d’équilibrer ses priorités et de mettre en œuvre un programme en évolution.