Les tribunaux américains se sont souvent appuyés sur la doctrine de la question politique pour rejeter les actions en matière de changement climatique. L’équivalent canadien de la doctrine de la question politique, la justiciabilité, a récemment été examiné par la Cour canadienne dans des affaires portant sur des allégations fondées sur la Charte en matière de changements climatiques.
Pour être justiciables, les revendications doivent relever de l’autorité et de la capacité du pouvoir judiciaire de trancher, compte tenu du système constitutionnel de gouvernement canadien. Il est généralement reconnu qu’il n’appartient pas aux tribunaux d’établir quelle politique ou quelle loi fait le mieux progresser l’intérêt public et que les tribunaux peuvent refuser de trancher de telles questions en vertu de la doctrine de la justiciabilité.
Dans trois décisions récentes, la Cour fédérale et la Cour supérieure de justice de l’Ontario ont adopté des approches similaires pour déterminer si les tribunaux pouvaient se prononcer correctement sur les réclamations fondées sur les changements climatiques fondées sur la Charte, mais avec des résultats contradictoires. Ce n’est pas la première fois que les tribunaux canadiens examinent la justiciabilité en ce qui concerne les actions en matière de changement climatique, comme il en est question dans La Cour supérieure du Québec laisse la porte ouverte aux litiges en matière de changements climatiques au Canada. Toutefois, dans ces trois décisions récentes, les tribunaux sont arrivés à des conclusions divergentes sur la question de savoir si une action fondée sur les changements climatiques relevait de la compétence de la magistrature, ce qui laisse entendre qu’il existe une incertitude dans le droit canadien quant à la justiciabilité des réclamations fondées sur la Charte relatives aux changements climatiques qui devront être réglées par les cours d’appel.
La Cour fédérale a récemment examiné les demandes présentées par la Couronne en radiation de deux mesures distinctes en matière de changements climatiques au motif qu’elles ne sont pas justiciables.
Comme nous l’avons vu dans
La Cour fédérale a adopté une position similaire dans l’affaire Misdzi Yikh c Canada, 2020 CF 1059 [Misdzi]. Dans l’affaire Misdzi, deux personnes représentant deux groupes de la Maison Wet’suwet’en ont fait valoir que les objectifs stratégiques du Canada pour la réduction des émissions de GES d’ici 2030 étaient insuffisants et que le fait que le Canada n’avait pas adopté de loi plus rigoureuse violait leurs droits en vertu des articles 7 et 15 de la Charte. Plus précisément, les demandeurs alléguaient que le gouvernement n’avait pas adopté de loi suffisamment stricte pour mettre en œuvre la politique de réduction des émissions de GES aux niveaux prévus par l’Accord de Paris. À l’indiciable de La Rose, la Cour a statué que les choix politiques doivent être traduits en lois spécifiques ou en actions de l’État pour être justiciables, et que la demande des demandeurs était trop large pour être justiciable parce qu’elle contestait la politique gouvernementale relative aux émissions de GES par opposition à des lois spécifiques. La Cour a conclu que la question des changements climatiques est intrinsèquement politique plutôt que juridique, et donc dans le domaine de l’exécutif et du législatif, plutôt que du pouvoir judiciaire.
Dans Mathur v Ontario, 2020 ONSC 6918 [Mathur], la Cour supérieure de justice de l’Ontario a refusé de radier la demande d’un groupe de plaignants âgés de 12 à 24 ans qui ont présenté une demande pour contester l’abrogation par le gouvernement de l’Ontario de la Loi sur les changements climatiques de 2016 qui a établi un programme de plafonnement et d’échange pour décourager les émissions de GES. À la suite des élections ontariennes de 2018, le nouveau gouvernement a abrogé la Loi sur les changements climatiques et, à sa place, a établi un plan visant à réduire les émissions de GES de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.
Les demandeurs ont fait valoir que le plan établissait une cible pour les émissions de GES qui était de 15 pour cent inférieure à la cible précédemment établie par la Loi sur le changement climatique, qui violait les droits de la Charte des jeunes de l’Ontario et des générations futures car il entraînerait une réduction insuffisante des émissions de GES, menaçant ainsi leurs droits à la vie en vertu de l’article 7, la liberté et la sécurité de la personne, et leurs droits à l’égalité et à l’égale protection en vertu de l’article 15 de la loi.
En rejetant la demande de radiation de la demande de la Couronne, la Cour a statué qu’il n’était pas évident et manifeste que la demande n’était pas justiciable. La Cour a établi une distinction entre d’autres cas où des demandes semblables ont été jugées non justiciables, y compris La Rose, au motif que ces affaires ne portaient pas sur des contestations d’une action gouvernementale particulière. L’abrogation de la Loi sur les changements climatiques et du plan n’était pas de purs choix politiques et avait été traduite en loi par l’action de l’État. La Cour a déclaré que les réclamations fondées sur la Charte sont généralement justiciables, compte tenu du rôle des tribunaux pour assurer la validité de l’action gouvernementale.
Dans chaque décision rendue dans ces trois récentes réclamations fondées sur la Charte en matière de changements climatiques, la Cour a souligné que les revendications des demandeurs concernaient une action gouvernementale qui relève de l’ordre public. Traditionnellement, les tribunaux ont statué qu’il vaut mieux laisser à l’assemblée législative et à l’exécutif du gouvernement le pouvoir public le pouvoir public plutôt qu’aux tribunaux, car les tribunaux ne sont pas élus et ne sont donc pas responsables devant les citoyens de prendre des décisions de politique publique. Contrairement aux revendications de La Rose et de Misdzi qui contestaient l’ordre public général, la revendication dans Mathur comportait une contestation d’une législation distincte. Toutefois, le résultat différent dans l’affaire Mathur démontre qu’il existe une certaine incohérence et incertitude dans le droit canadien en ce qui concerne l’application de la doctrine de la justiciabilité, et la question de savoir si d’autres revendications fondées sur le climat de nature similaire sont justiciables est susceptible d’être réexaminée par les cours d’appel dans des affaires futures.